samedi 6 février 2016

L’ébène et la glace



(texte paru sur SABLE nº 1 français)







Il était une fois une hautaine princesse Shahir qui défia capricieusement son chevalier servant dévoué en lui posant une devinette que le Dieu fennec lui-même lui avait soufflée au cours de ses dévotions solitaires au-delà des Portes du Mystère.

_ Où sont à la fois l’ébène et la glace ? demanda la grande princesse aux yeux gris.

On ne se rappelle pas le nom de son amoureux. Le mur épais de l’oubli s’est élevé depuis lors, mais sa triste quête demeure toujours.

Ce n’était pas un homme cultivé, et ni les litanies des anciens, ni les arcanes du culte mystérieux de la princesse ne lui dévoilèrent quoi que ce soit. Il ne pouvait pas décrypter le savoir des livres. Il pouvait seulement voir par les pupilles brillantes de sa bien-aimée. Alors il partit au loin en quête d’une réponse.

Il chevaucha le long de la Vallée des Damnés en marmonnant sa question, comme s’il avait peur de l’oublier. La solitude était devenue sa compagne parmi les ossements anciens et non corrompus des guerriers morts. Il dut sacrifier à leurs esprits planants son étalon bien-aimé pour franchir la Vallée. Les têtes de mort ne lui répondirent pas.

 Après cela, il fit face à la sinistre Falaise du Sacrifice grouillante de terrifiants habitants inhumains emplis d’un ardent désir charnel envers tout ce qu’ils trouvaient. Il put difficilement les éviter alors qu’il était en train de grimper. Ce n’était pas là qu’il obtiendrait une réponse.





De l’autre côté de la montagne abrupte se trouvait Minartee, la cité païenne, ses spires gravées et dorées et ses dômes de marbre veineux s’élevant hautainement dans le ciel nuageux d’une aube glaciale. Il se cacha derrière les rochers moussus à côté de la Route du Nord en provenance de la Dernière Mer jusqu’à ce qu’il parvienne à voler un pèlerin solitaire se dirigeant vers la cité malsaine. Il enfila les grossiers vêtements de laine de l’homme et pénétra ainsi dans l’enceinte de pierres  de Minartee sans être remarqué. Une fois dans la cité, il se dirigea vers le temple hérétique. Il avait entendu dire que ses prêtres impies échangeaient avidement leurs avis contre un peu de sang. Ainsi fit-il, se faisant lui-même passer pour un pèlerin. Aucune réponse ne lui fut donnée.

A présent, il quitta Minartee pour le Nord, à travers les contrées marécageuses. Si les faunes et les crapauds coassaient narquoisement la bonne réponse, il ne la comprenait pas. Une fois la Dernière Mer atteinte, il convainquit un groupe de marins tannés afin d’embarquer pour un voyage d´un lustre tout autour des côtes des pays connus. Il rencontra et questionna beaucoup de gens. Personne ne put lui répondre.

Finalement, il rentra chez lui, attristé et ayant l’air vieux, ses yeux perdus à jamais par la distance, cherchant toujours une réponse. Il alla au palais et pénétra dans la chambre de la princesse sans se faire annoncer. Elle était assise sur son trône royal. Un souvenir vint à elle à le voir, et elle sourit brièvement en le regardant. Alors il comprit.

L’ébène et la glace étaient tous deux là, palpitant sur un trône d’ivoire.

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